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Au Maroc, d'étonnants phénomènes lumineux dans le ciel causés par le séisme ?

Publié le 12 septembre 2023 à 12h38, mis à jour le 12 septembre 2023 à 13h04

Source : JT 20h Semaine

Des images de phénomènes lumineux surprenants ont été relayées en ligne peu après le séisme au Maroc.
Plusieurs théories sont avancées pour tenter d'expliquer ces phénomènes.
Les spécialistes invitent à la prudence face à de telles images.

Des flashs intenses et bleutés dans la nuit, des boules lumineuses intenses qui semblent flotter au loin dans le ciel... Peu après que soit survenu le séisme au Maroc, des vidéos intrigantes ont été relayées et commentées sur les réseaux sociaux. Plusieurs théories ont été avancées pour les expliquer, avec des arguments plus ou moins crédibles. 

Un manque cruel de contexte

Pour certains, les sources lumineuses filmées en marge du séisme sont la preuve d'une action humaine à l'origine de ce phénomène naturel. Dans les messages postés en ligne, beaucoup mettent en cause le projet scientifique américain HAARP, développé dans les années 1990 pour étudier une couche supérieure de l'atmosphère, la ionosphère. Déjà pointé du doigt en marge du séisme en Turquie en février dernier, ce dispositif n'a pourtant rien du coupable idéal : les experts insistent sur le fait que les ondes envoyées ne sont pas en mesure de générer de tremblements de terre. Tout au plus, peuvent-elles "perturber artificiellement la haute atmosphère", d'une manière "comparable aux perturbations causées par le Soleil".

Cette hypothèse rapidement écartée, que penser de celle associant les boules lumineuses filmées au loin dans le ciel à des satellites Starlink ? Là encore, il s'agit d'une piste peu pertinente : lorsque ces outils de télécommunications sont observés de nuit dans leur orbite basse, on constate qu'il s'agit d'un "train" de satellites. Soigneusement alignés, ce qui est loin d'être le cas ici, sur les images soi-disant tournées au Maroc. 

Sollicité par TF1info, l'ancien directeur de recherche au CNRS (aujourd'hui retraité) Michel Parrot a accepté de jeter un œil aux vidéos virales qui circulent depuis quelques jours. Celle qui montre les boules lumineuses le laisse particulièrement dubitatif : "S'il s'agissait d'un phénomène sismique, ces éléments scintillants bougeraient. Or, ces boules sont ici très statiques... Par ailleurs, elles n'auraient pas une durée de vue de plus de quelques secondes." La séquence ne nous offre de plus que peu d'informations. "On ne sait pas comment ça démarre. On ne sait pas combien de temps le phénomène perdure..." Rien ne permet d'ailleurs de confirmer la localisation de la prise de vue, ni sa date. Si des outils de recherche d'images inversée ne mènent à rien de concret, on peut souligner que la couleur du ciel laisse à penser que l'heure du crépuscule était proche. Or, à l'heure actuelle, il fait nuit aux alentours de 20 heures au Maroc. Le séisme étant intervenu vers 23 heures, l'authenticité de ces images apparaît plus que douteuse.

Des phénomènes encore largement méconnus

La seconde vidéo, qui semble provenir d'une caméra de vidéosurveillance, n'apparaît guère plus crédible à Michel Parrot. Le spécialiste de l'ionosphère (une zone de la haute atmosphère) déplore là encore un manque d'éléments contextuels, puisque "nous voyons des sources lumineuses lointaines au-dessus d'une ville, sans que l'on connaisse leur direction par rapport à l'observateur". Nous n'avons par ailleurs pas plus d'informations au sujet du moment où ces flashes se déclenchent par rapport au séisme. 

L'ancien chercheur du CNRS, qui a longtemps travaillé sur les phénomènes naturels engendrés par les séismes, ne peut malgré tout pas exclure qu'il s'agisse de lumières sismiques (ou "earthquake lights" chez les anglophones). Rapidement évoquées sur les réseaux sociaux, ces dernières existent bel et bien, mais le scientifique se garde de toute conclusion en raison du "caractère transitoire de ces phénomènes", une brièveté qui les rend particulièrement difficiles à analyser et à observer. 

Que peut-on dire de ces lumières sismiques ? Qu'elles ont été observées pour la première fois dans les années 1960 au Japon, mais aussi qu'elles ne surviennent pas systématiquement en cas de tremblement de terre. Il est néanmoins possible que des charges électriques soient générées lors de mouvements des plaques tectoniques, "susceptibles d'augmenter le courant dans l'atmosphère et de se trouver à l'origine de phénomènes lumineux". Mais ces lumières pourraient aussi "être liées aux gaz émis lors des séismes", ajoute Michel Parrot, via des phénomènes de "combustions spontanées".

En clair, il est aujourd'hui très délicat d'affirmer que les images relayées depuis quelques jours sur les réseaux sociaux montrent bien des sources lumineuses engendrées par le séisme au Maroc. Si les chercheurs s'intéressent aux phénomènes naturels qui entourent les tremblements de terre, ils n'accordent que peu de crédit à des images comme celles-ci, les jugeant insuffisantes pour conclure à la survenue de lumières sismiques. 

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Thomas DESZPOT

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